vendredi 22 juin 2012

Le prophète initiateur et les deux pèlerins 1 - Ibn'Arabi

L'interrogation des âmes sur l'origine de leur Khalifa

Venons-en maintenant au sujet qu'il convient d'annexer au présent chapitre. Nous déclarons donc : lorsque DIEU eut chargé les âmes humaines individuelles de gouverner ce corps physique et qu'Il les eut préposées au Khalifa de celui-ci, leur montrant à l'évidence que de ce  corps elles étaient le Khalife, les âmes constatèrent alors qu'elles-mêmes relevaient d'un Sujet existentiateur qui les avait investies du Khalifa. Et ceci les détermina à s’enquérir de celui qui les avait préposées à cette charge afin de le connaître. Était-il de leur espèce ? Ou s'y apparent-il par l'effet de quelque ressemblance ? Ou bien ne leur ressemblait-il pas ? Alors les âmes se mirent en quête, afin de connaître celui-ci par elles-mêmes.
La rencontre de l'Envoyé et son message à l'adresse des âmes.

Et comme elles étaient dans cette situation, en train de rechercher la voie susceptible de les conduire jusqu'à Lui, voici qu'elles rencontrèrent parmi les âmes individuelles un "personnage" (shaykh) qui les avait déjà précédées dans l'existence. Aussitôt, les âmes se lièrent d'amitié avec lui à cause de leur ressemblance, et elles lui déclarèrent : " Tu nous as précédées dans ce séjour ( l'existence terrestre). T'est-il arrivé ce qui nous est arrivé ?" Il leur demanda : " Que vous est-il donc arrivé ?" Elles répondirent : " de chercher à connaître Celui qui nous préposées comme Khalifes pour gouverner ce temple (de chair)". Il leur dit alors : " De cela je possède une Connaissance certaine que je vous apporte de la part de Celui qui vous a investies du Khalifa. Il m'a envoyé comme Prophète vers ceux de mon espèce pour que je leur montre en toute clarté la Voie de la Connaissance menant jusqu'à Lui et dans laquelle ils trouveront le Bonheur".

Deux candidats d'entre les âmes veulent être initiés et se présentent devant le Prophète

Le premier candidat (à se présenter devant l'Envoyé) lui répond : " C'est Lui que je cherche, aussi fais-moi connaître cette voie afin que je puisse m'y engager". L'autre lui déclare : " Il n'y a point de différence entre moi et toi, et je veux découvrir par moi moi-même la voie qui me permettra de Le connaître. Je refuse à t'imiter en cette affaire. Car si tu es parvenu là où tu en es, et si tu  y es arrivé grâce au raisonnement dont je possède également la faculté, pourquoi serai-je assez peu résolu pour m'en remettre à toi. Mais si tu as obtenu cela en vertu d'un privilège exclusif, tout comme nous-même avons obtenu le privilège de l'existence après n'avoir point existé, voilà encore une affirmation dénuée de preuve".

Caractérisation des personnages : le théoricien réfractaire et l'adepte du Prophète.

Ce dernier ne prête pas attention au propos  du Personnage, et il se met à réfléchir et à examiner cette affaire avec sa  raison. C'est la situation dans laquelle se place celui qui aborde la Connaissance à l'aide des évidences rationnelles, en scrutant les choses par la réflexion théorique. L'autre candidat typifie les " adeptes du Prophète" et ceux et ceux qui se conforment à lui relativement à la Connaissance qu'il leur communique au sujet de leur Divin Démiurge. Enfin, ce " personnage" que nos deux hommes suivent par des démarches contraires typifie le Prophète qui instruit.

Or, la Loi Divine que prescrit cet Instructeur (Mu'allim) indique clairement la Voie conduisant jusqu'au " Rang de la Perfection et du Bonheur", comme le sous-entend le raisonnement que tient l'un des deux individus en train de méditer l'affaire de cet Instructeur, à savoir celui qui refuse de le suivre.
En effet, il ne peut tomber d'accord avec l'Instructeur, si ce n'est dans la mésure qu'implique l'ordre naturel en fait d' " incompatibilité de caractère" ( ou de nature,). Il n'y a d'incompatibilité de caractère radicale qu'en raison d'une mesure particulière et d'une proportion bien déterminée. C' est pourquoi on nomme cela " alchimie ", parce qu'elle introduit la proportion et la juste mesure.

Lorsque notre individu a constaté ce fait, il s'en félicite car il pense s'être affranchi de l'Instructeur sans avoir dû s'y conformer. Il se croit supérieur à son malheureux compagnon qui lui, s'y conforme docilement. Alors il fait bande à part. Quant à l'imitateur zélé, il reste ferme sur sa position en se conformant scrupuleusement à l'Instructeur, et il prend ainsi l'avantage sur l'indépendant, celui là même qui, ayant remarqué l'entente naturelle ( de son confrère avec l'Instructeur), se garde bien de l'imiter et s'en tient à l'écart dans l'expectative, précisément pour cette raison.

Les deux pèlerins accomplissent les rites religieux et se préparent en vue du mi'râj.

Ensuite, nos deux hommes ou nos deux personnages -- en l’occurrence il peut s'agir de deux femmes, ou l'un des deux peut être une femme --, ces deux-là se mettent donc en route, l'un en tant qu'observateur théorique ( du Maître ), l'autre en tant que son imitateur scrupuleux. Afin de corriger leurs moeurs et de combattre leurs penchants corporels, comme la faim et les servitudes liées à l'activité du corps, les voilà qui se lancent dans les pratiques religieuses telles que la longue station debout et la persévérance durant la prière, le jeûne, le pèlerinage à la Mecque, le guerre sainte, la vie errante. L'un s'en acquitte par l'observance théorique, l'autre en pratiquant ce que lui a prescrit son guide et maître dénommé le " Législateur " (cheikh).
à suivre....

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire